Hors-bord ou inboard ?
Dans une optique de simplicité, un hors-bord s’impose, un inboard est cher, lourd, encombrant, peu fiable et requière beaucoup d’entretien. On a souvent constaté autour de nous des problèmes de moteur sur les bateaux en voyage, nécessitant des escales longues pour les résoudre durant lesquelles l’équipage ne profite pas du lieu. Avantages supplémentaires du hors-bord : on reste manœuvrant même en cas de perte des deux safrans, pas de bout pris dans l’hélice, pas d’hélice qui nous freine sous voiles…
Corollaire, il faut naviguer à la voile, c’est possible, nous n’avons fait que 2% de moteur depuis que nous sommes sortis des canaux de Patagonie. Mais cela suppose d’être patient et fin stratège, là où la plupart des équipages lissent leur moyenne grâce à l’usage intensif du moteur, nous affalons les voiles, patientons ou n’avançons que très lentement. D’autre part, il faut éviter toutes les situations où le vent sera trop faible pour appuyer les voiles dans la houle résiduelle. Par exemple, 2/3 mètres de houle nécessitent au moins 10 nœuds de vent, surtout si les vagues nous touchent par le travers déstabilisant tout le gréement. Dans les faits, en mer, on rencontre souvent trop ou pas assez de vent, il est rare d’avoir juste 15 nœuds !
Finalement, pour assumer joyeusement un moteur hors-bord sur un voyage au long cours, il faut être un marin un peu old school, estimer que la façon de faire les choses est plus importante que le but à atteindre (éthique de voyage) et surtout avoir du « temps à perdre », dans ce cas un hors-bord fera l’affaire sinon on risque de regretter un vrai moteur, son hélice constamment immergée et sa consommation mieux maîtrisée.
Notre hors-bord Tohatsu est un 2 temps, je ne voudrais pas avoir de 4 temps, beaucoup moins fiables et plus lourds. Le problème est d’en trouver un en bon état en Europe car les 2 temps y sont interdits à la vente, ne reste que le marché de l’occasion. Celui avec lequel je suis parti de France avait déjà 10 ans d’âge, il n’était pas raisonnable d’approcher la Patagonie sans un moteur sûr, à ce moment j’avais aussi très peu d’expérience et le challenge était énorme. J’ai donc acheté le même moteur neuf (9,8 CV 2 temps) à Buenos Aires (Argentine) où j’ai préparé le bateau pendant deux mois. Je pensais débarquer l’ancien mais on m’a convaincu de le garder. C’est vrai que c’est réconfortant de savoir que l’on a un joker en cas de panne du principal et que les pièces sont interchangeables. Dans les faits nous n’avons pas été confrontés à ce type de problème et nous avons très rarement utilisé les deux moteurs conjointement, essentiellement pour passer en force sur quelques milles face à 40 nœuds de vent et brise mélangés pour rejoindre un mouillage patagon ou pour remonter le courant dans les passes de quelques atolls des Tuamotu. Il aurait été possible sinon préférable de choisir une méthode plus douce, prendre un autre mouillage ou attendre l’étale. Un seul hors-bord est donc amplement suffisant.
Nous utilisons le moteur quand nous avons un timing météo à respecter (tempête en vue) et que le vent est aux abonnés absents, il tourne à faible régime pour minimiser la consommation, notre vitesse avoisine alors les 3,5 nœuds, c’est le meilleur rendement possible avec environ 0,35 litre d’essence consommée par mille parcouru soit 1,2 litre par heure.
Niveau autonomie, notre nourrice offre une capacité de 25 litres et nous avons généralement en complément un bidon de 30 litres, soit 55 litres d’essence embarqués, ce qui nous fait – à condition de ne pas être pressé – une autonomie de plus de 150 milles. C’est suffisant pour faire face à un imprévu.
Niveau fiabilité, aucun entretien à part une vidange de l’embase. Dans les canaux de Patagonie nous avons fait 1’140 milles au moteur sur 2’220 milles parcourus, dans le Pacifique beaucoup moins, 477 milles au moteur sur 22’650 milles parcourus.
Niveau vitesse, en eaux plates sans vent, nous pouvions atteindre 7 nœuds avec les deux hors-bords à fond et presque 6 nœuds avec un seul, la différence est donc minime. Physiquement parlant, la longueur du bateau est un facteur limitant (nombre de Reynolds), il faudrait pouvoir déjauger. A noter aussi que nous sommes entre 3 et 4 tonnes de déplacement !
Niveau manœuvrabilité, les prises de ponton sont plus ardues avec un hors-bord car on ne peut pas casser son erre instantanément, la marche arrière étant peu efficace. Il sera parfois préférable de présenter la poupe en premier, offrant aussi l’avantage d’une meilleure visibilité. Donc attention dans les manœuvres de port avec du vent, il vaut souvent mieux patienter en mouillant temporairement, le vent finit toujours par tomber.
Nous avons laissé en Nouvelle-Calédonie à un spécialiste du reconditionnent notre vieux Tohatsu, il était arrivé en bout de course structurellement avec des problèmes majeurs de corrosion mais la partie moteur était encore fonctionnelle !
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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales en Nouvelle-Calédonie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Publié le 21/06/2020 de Taranna, Little Norfolk Bay, Tasman Peninsula, île de Tasmanie, Tasmania, Australie, GPS 43 2.92 S 147 51.72 E
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