Un détour avisé
Après 5 jours d’escale dans l’atoll de Amanu dans les Tuamotu, départ le 8 juillet 2016 à 9h30 UTC-10 pour l’île de Fatu-Hiva, 460 Mn au NNE dans le Groupe Sud des îles Marquises (Polynésie française).
> Transpacifique jour 43
> 9 juillet 2016 9h30 UTC-10
> GPS 16 46.9 S 139 7.05 W
> Dernières 24h : 124 Mn
Dernières 24h bien sportives, 25-30 Nds de SSE nous parvenant, par le truchement du vent apparent, à 70° tribord amure. Trinquette arisée, 2 ris dans la GV. Nous pourrions naviguer plus confortablement en serrant moins le vent mais ce serait une facilité que nous paierions plus tard. En effet, une rotation à l’Est est prévue, nous faisons donc de l’Est tant que c’est possible. Quand le vent refusera, nous aurons gagné suffisamment au vent pour avoir toute latitude d’abattre sur le cap menant en route directe vers Fatu-Hiva et sa spectaculaire baie des Vierges, notre objectif. En compensation de cette navigation agitée, nous avons pêché un magnifique thon rouge.
Route directe et VMG aux allures de près
Sur l’image la route de L’Envol a été découpée en secteur de 6 heures (UTC-10) afin de montrer l’évolution de la prévision météo au fil de la navigation. Au départ, le vent météo ou vent réel contient une forte composante Sud, son angle est de 153° puis il refuse progressivement pour finir avec une forte composante Est, son angle est alors de 100°. Le vent réel va donc varier de plus de 50° en quatre jours. D’autre part, il forcit significativement les dernières 24 heures avant l’arrivée.
Autre considération, la direction du vent réel n’est pas celle que le bateau ressent, elle se combine avec la direction du vent de la vitesse, généré par le déplacement du bateau, qui, elle, est toujours strictement opposé à sa marche ; la direction résultante est donc toujours plus pointue, c’est-à-dire plus proche de l’avant du bateau que la direction du vent réel, la différence angulaire atteint fréquemment 20 degrés. De même, la force du vent réel n’est pas celle que le bateau ressent ; aux allures de près, le vent de la vitesse s’y ajoute en grande partie, le vent ressenti peut être jusqu’à 80% plus fort que le vent réel.
Ce vent, le seul que l’on puisse percevoir et exploiter à bord d’un voilier, c’est le vent apparent. Il faut aussi tenir compte d’un courant portant à l’Ouest dans le Pacifique qui majorera notre dérive.
En conclusion, la prévision météo laisse à penser que des allures portantes ou du travers nous emmèneront agréablement sur la route directe, alors que dans la réalité de la navigation, nous endurerons gaillardement des allures de près dès le deuxième jour. C’est pourquoi, afin notamment d’absorber le vent fraîchissant et refusant de la fin, nous choisissons de faire de l’Est au début, profitant du SSE établi, puis ensuite d’abattre progressivement en suivant la rotation de vent vers l’Est.
D’autre part, en restant proche du petit largue en permanence, le bateau navigue dans des conditions de vitesse optimale, on peut espérer que le gain de vitesse obtenu compense la perte de cap et l’allongement de la route. Cette recherche permanente du meilleur compromis entre cap et vitesse, c’est la recherche de la meilleure VMG (Velocity Made Good). Ainsi, nous couvrirons 528 milles en une centaine d’heure soit une vitesse moyenne de 5,3 Nds ; les 460 milles de la route directe, sur une hypothèse de vitesse moyenne de 4,5 Nds, plus conforme aux performances du bateau au près par mer formée, nous auraient pris 102 heures et qui plus est, sans la garantie de ne pas devoir finalement louvoyer !
> Transpacifique jour 44
> 10 juillet 2016 9h30 UTC-10
> GPS 14 53.64 S 138 29.48 W
> Dernières 24h : 124 Mn
Ce deuxième jour de navigation voit le retour du génois après un usage intensif de la trinquette et un ris est lâché dans la GV, nous en conservons tout de même un. Les grains sont de la partie, à chaque passage de l’un deux, il faut suivre au pilote les modifications de la direction du vent et/ou réduire la voilure. Mais globalement c’est une navigation reposante, plus abattue qu’hier. La nuit fut particulièrement excellente ! Et il nous reste du thon.
> Transpacifique jour 45
> 11 juillet 2016 9h30 UTC-10
> GPS 13 4.67 S 138 7.36 W
> Dernières 24h : 114 Mn
Déjà trois jours de navigation depuis l’atoll de Amanu, les grains qui se succèdent nous invitent à repasser sous trinquette avec 2 ris dans la GV. En début de nuit le vent de SE faibli et nous renvoyons de la toile. Nuit difficile, les changements en force et direction du vent nécessitant vigilance et manœuvres. A 20h15 UTC-10, notre route croise un nuage particulièrement retord, vent quasi nul et refusant pile sur la route, j’enroule le génois et affale la GV, durant 1h15 nous dérivons 1 mille au SO sous une pluie battante, le temps d’ingurgiter une purée mousseline sous un roulis prononcé, puis le nuage passe et nous pouvons relancer le bateau dans la nuit noire.
Entre bon plein, petit largue et travers, nous continuons notre progression au Nord avec encore une légère composante Est en prévision du vent fraîchissant et refusant de cette nuit. Nous aurons à ce moment 22° de disponible pour abattre et faire route directe vers Fatu-Hiva. Nous espérons ne pas trop souffrir dans cette dernière section d’une centaine de mille ou un force 5 Beaufort est prévu mais où nous rencontrerons probablement un force 6 Beaufort, le modèle sous évaluant systématiquement la force du vent au niveau de l’eau…
> Transpacifique jour 46
> 12 juillet 2016 9h30 UTC-10
> GPS 10 43.56 S 138 35.54 W
> Dernières 24h : 147 Mn
Hier, Carina a terminé de convertir un pavillon du Chili en pavillon français (lui même nait d’un pavillon français !). Un banc de poissons nous a escorté longuement. Puis comme prévu le vent d’Est a forci la nuit (26 Nds courants, 36 Nds maxi). Trinquette arisée et 2 ris dans la GV nous avons progressé au travers, à vive allure (6-7 Nds), vers notre objectif. Celui-ci s’est dévoilé ce matin : l’île haute de Fatu-Hiva dans le Groupe Sud des îles Marquises est en vue ! L’atterrissage est prévu vers 13h00 UTC-10, juste avant le coup de vent qui s’est décalé par chance de 9 heures. On espère un mouillage pas trop bondé !
Les quatre derniers milles sous le vent de l’île sont au près, ils nous rappellent la Patagonie, le vent varie de zéro à 30-40 Nds constamment, un 3e ris est pris dans l’urgence. Heureusement les trains de rafales s’annoncent clairement sur l’eau, il suffit de regarder devant. La GV choquée, le bateau est encore trop toilé, il se vautre, la GV faseille… Nous nous pensions arrivés et il faut encore lutter. Bien sûr, nous pourrions utiliser le moteur mais le challenge est de s’en passer le plus possible.
Nous mouillons l’ancre le 12 juillet 2016 à 13h20 UTC-10 après 528 Mn parcourus en 4 jours et 4 heures.
Nous partageons la baie de Hanavave ou baie des Vierges avec sept autres voiliers dont trois catamarans. Le mouillage est exigu pour tout ce monde, les rafales, dues au vent d’Est soutenu, jouent aux quilles dans ce mouillage sur fond de tenue hétérogène, elles déboulent accélérées par le goulet encaissé du village et les reliefs escarpés. La nuit a été difficile mais l’ancre n’a pas dérapé. La baie, célèbre pour ses verges de pierre, est magnifique, mais le tourisme et ses excès est déjà passé par là…
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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales dans le Pacifique Sud sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Publié le 4/09/2016 de Hatiheu, île de Nuku-Hiva, îles Marquises Groupe Nord, Polynésie française, GPS 8 49.51 S 140 4.96 W
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