Sédentaires à Dardé
# Navigation dans les canaux de Patagonie, suite # Jour 1 (7 juin) : nous faisons le tour du propriétaire en annexe afin de trouver un point d’eau, partout la mousse en surplomb du rivage suinte d’eau douce dans la baie, mais le débit est bien trop faible. Il nous faudra faire le tour complet de la baie pour trouver l’unique petit rio du coin exploitable à marée basse seulement. Nous voilà pourvu d’une salle de bain à 500m du bateau ! Jour 2 (8 juin) : l’objectif du jour sera de remonter le petit rio jusqu’ au lac qui l’alimente, de s’y laver et de rentrer avec 10L d’eau pour compléter le réservoir du bateau. Jour 3 (9 juin) : retour au rio pour y laver quelques vêtements et faire le plein d’eau grâce à la poche à eau de Miguel (merci ++). Je brûle nos ordures plastique au fond de la caleta, seul les emballages en aluminium attendront Puerto Natales, le verre, l’ acier et le papier passent par-dessus bord, tout comme nos besoins journaliers. Ce soir, 6 Beaufort de NO déboulent avec rafales à 44 noeuds. D’après mes observations, celles qui ne manqueront pas de déborder notre poche de protection devraient venir de bâbord, c’est-à-dire du Nord, de plus l’échancrure est plus ouverte au Nord qu’au Sud, et le vent à une composante Nord dans son Ouest, suffisamment d’éléments pour décider de pivoter le bateau dans sa toile de 45° sur bâbord. Certaines cordes suivent le mouvement en changeant de taquet d’amarrage et j’en rajoute une 6ième à la poupe. Nous sommes maintenant parallèles au rivage Nord de l’ échancrure. Je sonde le kelp et en arrache une partie afin de voir sur quoi il s’agrippe et jusqu’où il est raisonnable de se rapprocher sous le vent des arbres. Cette connaissance du fond me permet de réajuster les tensions des 6 amarres et de la chaîne d’ancre pour amener le bateau à 5m des cailloux. A marée basse la quille bâbord, la plus exposée, conserve 1m de flottaison. L’annexe est plaquée contre le bordé à bâbord de l’étrave, un boudin dans l’eau, l’autre à hauteur de la première filière, majorant peu le fardage du bateau et prête à servir si besoin. La nuit tombe et le vent se lève. La girouette en tête de mât s’oriente dans l’axe du bateau, le vent ne rencontrera guère d’obstacle sur son trajet, le fardage est minimum. Jour 4 (10 juin) : la nuit s’écoule sans stress, le mât, dans les hauts, ronfle sous l’assaut du vent mais le pont du bateau n’est guère affecté, quelques rafales dans l’axe du bateau joueront avec les amarres, rafales sans commune mesure avec celles que nous avons endurées au fjord Pasqui. D’autre part, le kelp environnant, filtre le clapot soulevé par les rafales, maintenant le mouillage en eau plate pour un confort à bord maximum. La journée se passe à 5 Beaufort de SO, secteur offrant une meilleure protection. Les 4 saisons s’invitent par intermittence : il neige, pleut, grêle, un coin de ciel bleu apparait et même un brin de soleil et puis le cycle se réitère. Jour 5 (11 juin) : ce soir, il est prévu 6 heures d’Ouest à 7 Beaufort avec rafales à 46 noeuds. Carina cuisine des chapatis fourrés aux oignons (assagies au sel), carottes râpées et fromage fondu (cf photo). Après 1 mois, il nous reste profusion de produits frais : carottes, choux, patates, courge, oignons, ail, gingembre, poivrons, radis, pamplemousses, pommes vertes, oeufs, lard, chorizo, fromages, beurre et crème. La cuisine de Carina est formidable, elle expérimente chaque fois quelque chose de différent. Mon plat préféré est le petit déjeuner fait de flocons d’avoine, d’un peu de semoule et de lait en poudre, dans lequel elle rajoute des morceaux de Mantecol (pâte de cacahuète), des fruits secs et des bouts de pomme verte, le tout dilués dans l’eau chaude. La première bouteille Camping Gaz, R907 de 2,8Kg, nous aura durée 1 mois comme prévu. Le soir, le flux d’Ouest bouscule L’Envol sans solliciter le matériel pour autant. La girouette en tête de mât et les penons des haubans situés à 3m du pont, montrent des directions diamétralement opposées, signe que nous sommes bien sous le vent, dans la bulle protectrice. Jour 6 (12 juin) : le flux d’Ouest ralentit, il pleut par intermittence permettant de se choisir un créneau pour aller faire sa commission au sec. Comme chaque jour le générateur et sa douce chaleur tourne 1h30, rechargeant les batteries et séchant les vêtements lavés au rio. Un couple de canards vapeur au bec orange vif déambulent dans la caleta, visiblement nous faisons partie du décor. Le soir, sous le couvert de la nuit, des souris tentent de s’introduire dans les cuisines du bateau ; peut être ont-elles fait d’une amarre un pont ? Dans cette solitude, le règne animal nous tient compagnie. Jour 7 (13 juin) : avec une proportion de 15h de nuit pour 9h de jour, nous hibernons à Dardé. Chaque matin, à l’aide d’un chiffon, il faut sécher l’intérieur du bateau qui semble percoler d’eau, notamment au niveau de la lèvre de collage entre le pont et la coque. Les équipets du lit breton, gouttières idéales, recueillent chacune 300 à 400ml d’eau de condensation en 10 jours. Les parties du roof qui incorporent de la mousse prise en sandwich s’en sortent beaucoup mieux. Avantage de cette isolation minimaliste, il est facile d’apprécier le degré d’hygrométrie du jour ! Certains sont particulièrement secs, avec, au mieux, un air saturé à 70% d’humidité (donnée zyGrib). Dans ce cas, un petit courant d’air suffit à sécher l’habitacle très rapidement. En navigation, le renouvellement d’air atténue beaucoup le phénomène et l’habitacle reste généralement sec. Bref, pour l’instant, l’humidité reste sous contrôle avec un minimum d’embarras. Concernant la température à l’ intérieur du bateau, elle est comprise entre 5 et 10°C, 3°C s’il neige. La caleta Emilita, conséquence du front froid enduré au fjord Pasqui, nous a offert un record à 0°C, les gouttelettes de condensation étaient gelées au petit matin ! Idem le lendemain de notre arrivée à la caleta Teokita. Grâce à la seule chaleur dégagée par le générateur, sans chauffage électrique d’appoint, l’habitacle grimpe à 15-16°C ! Mais le principal est que nous ne souffrons pas du froid ! Jour 8 (14 juin) : mauvaise nouvelle, le dernier bulletin météo redistribue les cartes, un temps perturbé se maintient jusqu’au 22 juin avec des soubresauts de vent à 6-7 Beaufort ! Seule consolation, demain soir, la caleta Victoria, 30 milles plus au Nord, va encaisser 9 Beaufort avec rafales à 57 noeuds ! Après 4 jours coincés dans le bateau, nous partons en promenade avec l’annexe visiter une échancrure du côté Est de la baie. Elle ferait un bon abri par vent de Nord ou Est. Pour accéder à un point de vue, nous nous frayons un passage dans une végétation « trampoline », où la mousse, du fait de son épaisseur, se retrouve au même niveau que les branches des arbres. Nous marchons perchés au ras du sol ! A la nuit tombée, les souris, sur nos têtes, arpentent le pont. Jour 9 (15 juin) : la pluie tombe sans interruption toute la journée. Cette nuit, il est prévu 12 heures d’ONO évoluant SO à 7 Beaufort avec rafales à 48 noeuds (cf photo du précédent article). En 30 heures, le baromètre a déjà chuté de 31hPa, ça va barder ! Pour l’heure, c’est la routine, le bateau se dandine avec facétie tandis que les arbres tout proches bruissent sous l’action du vent. Jour 10 (16 juin) : la nuit s’est passée dans les rotors de vents, l’impression d’être du linge sale dans une machine à laver, mais dans un cycle court et délicat ! Plus de doute, Dardé est une bonne planque des vents dominants du NO au SO. Nous sortons dépités de la lecture du dernier bulletin météo, les fronts froids ne semblent jamais vouloir s’arrêter ! Peut être allons nous devoir forcer un peu le passage, prendre plus de risque et accepter plus d’inconfort… Enfin, il nous reste 3 mois d’autonomie pour statuer. Il neigera toute la journée avec parcimonie. Jour 11 (17 juin) : au matin, le fond de la caleta est gelé. La pluie chasse la neige du bateau… Jour 12 (18 juin) : une courte fenêtre entre 2 fronts froids semble exploitable à la voile demain. L’idée est d’aller se planquer directement à la caleta Victoria, soit 30 milles plus au Nord, en prévision du surlendemain qui prévoit un vent d’ONO à 8 Beaufort avec rafales à 49 noeuds. La bahia Mallet, située au 2/3 du trajet, mériterait une nuit à l’ancre mais n’ offre malheureusement pas une protection suffisante. Déjà 10 jours se sont écoulés sans qu’il soit possible de se laver. Aujourd’hui, le vent, la température, l’absence de précipitation et la marée nous permettent de l’ envisager. Retour au rio, notre salle de bain, pour pratiquer nos ablutions, laver quelques vêtements et faire le plein d’eau. Cette nuit, 4 Beaufort de Nord avec rafales à 37 noeuds balaient la baie, il devient nécessaire de déplacer le bateau dans l’échancrure du côté Est qui offre une protection appropriée pour ce secteur de vent (GPS 52 28.62 S 73 35.09 W). J’en profite pour désempenneler les 2 ancres et nous posons 3 amarres à terre. Deux heures d’exercice qui nous dérouillent un peu après 12 jours sédentaires, tout en simplifiant les manoeuvres de départ qu’il faudra effectuer dans la froidure du matin et l’obscurité d’une fin de nuit sans lune. Demain matin, le fichier grib pris à 7h00 confirmera le départ ou son ajournement ! Jour 13 (19 juin) : le départ est maintenu mais se décale entre 10h et midi, ce qui signifie un atterrissage de nuit à Victoria dont l’approche est délicate. De plus le front froid y est particulièrement virulent, quitte à naviguer de nuit, le mieux semble de continuer jusqu’à la caleta Jaime dans le seno Union, soit 50 milles à parcourir ! Le seno Union forme un coude de 20 milles à rebours au SE, en effet, la peninsula Zach s’immisce entre ce dernier et le canal Smyth qui porte au NO. Le paso Victoria permet le basculement. Ensuite, la direction générale s’oriente au NE jusqu’à Puerto Natales, empruntant notamment le fameux canal Kirke et son angostura (étroiture). A 11h45, nous quittons Dardé, tchao Dardé ! # Légendes img1 : caleta Dardé sur fond de canal Smyth, img2 : la caleta, une échancrure du côté Ouest, img3 : L’Envol, en planque pour un bon moment, img4 : chapatis sur gasolina, présentation japonaise, img5 : thé du soir, img6 : L’Envol sous la neige # Une pensée spéciale et un grand merci à Claire pour son suivi administratif. Merci à tous pour vos SMS Iridium, on pense bien fort à vous # Vous pouvez nous envoyer un SMS gratuit sur le téléphone satellite du bord (881631639125) à http://messaging.iridium.com
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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales en Patagonie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Envoyé le 20/06/2015 par téléphone satellite de la caleta Jaime, GPS 52 10.95 S 73 17.15 W
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