L’élément humain
Bahia Linao, camp de base
A peine rentrés de Brasilia, nous quittons la marina bahia Huelmo pour retourner sur l’isla Grande de Chiloé. Le camp de base est établi à la bahia Linao dans le secteur Lecam sur une bouée providentielle entre deux lignes d’élevage de cholgas (bi-valves). Elles présenteront la faculté de bien amortir le clapot. Tout en préparant le bateau pour la prochaine transpacifique, nous y attendons le passeport de Carina qui doit être envoyé au consulat d’Estonie à Santiago, capitale du Chili. Nous passons un mois enchanteur dans cette baie très protégée.
Bahia Linao vers l’Est, lever de soleil
Pourtant tout avait mal commencé. Le jour suivant notre arrivé, après la journée passée à Ancud et le dîné chez Nancy, Nelson et leur fils Gonzalo dont la maison fait face à la baie, nous rentrons de nuit au bateau. A notre déconvenue quelqu’un est monté à bord et a volé dans le coffre de cockpit 100 mètres d’amarres. Des objets de valeur ont été ignorés et un peu de corde délaissée, sans doute un voleur doté d’une certaine éthique ! Du coup, le lendemain, nous partons en investigation autour de la baie pour une visite de chaque maison. Nous commençons par Percy et Lorena à qui nous expliquons nos déboires, le couple est charmant et parfaitement hors de cause, nous continuons par le propriétaire des lignes de cholgas, Ruben, puis Marcos de l’autre côté de la baie, retour chez Ruben, absent, sa sœur nous permet de remplir nos bouteilles d’eau, découverte de la superbe maison d’Horacio, un musicien très connu du groupe Inti-Illimani, enfin, le soir, un jeune pêcheur de retour de la pêche clôture ce dimanche de prêches, pour lui la mer ne pardonne pas et voler porte malheur, il nous offre un merluza de bonne taille.
Au fil du temps, la générosité des gens de Lecam compensera largement la perte de nos cordes. Nancy nous offrira moult verduras (légumes) de son invernadero (serre), nous partagerons le mate (boisson chaude d’herbe) et quelques nourritures apéritives locales, Persil nous invitera à son curanto (nourriture cuite en terre typique de Chiloé).
Ingrédients du curanto : cholgas (moules), papas (pommes de terre), avas (sorte de gros haricots), milkao (pain de pommes de terre cru), chapalele (pain de pommes de terre cuit), pollo (poulet), carne de cerdo (porc), chorrizo et longaniza. Le tout est cuit en terre sur des pierres brulantes en différents couches séparées par des feuilles de nalca, une plante locale avec de très grandes feuilles.
Nous ferons la connaissance de Juan, un ami d’Horacio et de Wanda, sa voisine, nous rencontrerons Andres et Margarita, partagerons un repas dans nos « maisons » respectives, profiterons d’internet chez Marcelo et Pilar, propriétaire du mini-supermarché de Lecam, dégusterons le cidre d’Horacio, le frère de Marcos, José, nous offrira des poissons robalo et nous achètera 60 litres d’essence excédentaire.
Le passeport étant disponible, Carina part seule faire le trajet aller-retour à Santiago en stop. J’en profite pour fixer le panneau photovoltaïque au tableau arrière grâce a deux arceaux de PVC qui le soutiennent et permettent de l’orienter, le système de fixation laisse la possibilité de démonter le panneau rapidement pour le mettre à l’abri, je confectionne un taud pour protéger l’annexe des UV, j’allège le bateau avec quelques dons de matériel plus vraiment utile. Quatre jours plus tars et treize véhicules empruntés, Carina est de retour avec le précieux document. A Santiago, elle a été hébergée par Alexis, un ami de Puerto Williams, dont la sœur, Celia, travaille à l’île de Pâques, cette île étant sur notre route prévisionnelle nous allons peut être pouvoir faire sa connaissance. La veille du départ, Horacio nous invite pour une soirée pizza-maison où nous faisons la connaissance de Ligia, son épouse, ainsi que ses amis Pio et Josefa. Ces derniers habitent à Valdivia, notre prochaine et ultime escale avant la transpacifique, ils nous proposent de venir mouiller devant leur maison.
Un départ de nuit mais malgré ça tardif, nous fait rater le jusant dans le canal Chacao, je persiste à la voile une heure sans progresser d’un mètre, le vent étalant tout juste le courant, finalement nous mouillons attendant la renverse à Carelmapu, nous repartons empruntant le raccourci du paso Chocoi qui nous expulse à plus de dix nœuds ! Après la quiétude des mers intérieures, nous retrouvons les vagues désorganisées du large, la proximité de la côte rocheuse qui les renvoie et la profondeur inférieure à 100 mètres n’arrange rien. Carina est malade et je subis aussi la mer.
Après 37 heures de navigation, le vent tombe devant la bahia Corral, nous la traversons au moteur jusqu’à l’entrée du chenal menant à Valdivia. La nuit tombe à son tour mais le vent revient, nous remontons le chenal à la voile, le balisage est bon et nous rejoignons sans encombre la marina La Estancilla devant laquelle nous mouillons en compagnie d’un voilier pavillon lituanien. Son capitaine, Audrius, nous donne quelques indications car des hauts fonds peu visibles de nuit ferment la zone de mouillage.
Le lendemain, nous visitons Pio et Josefa, leur maison faite de grandes baies vitrées donnant sur le rio est spectaculaire. Il est un temps envisagé de venir mouiller devant chez eux car la marina n’apprécie pas tellement les resquilleurs. Finalement sur une idée de Pio, nous irons visiter Alex qui nous donne accès à son ponton privé, dissimulé dans la nature entre terre, mer, rio, et marécages. Son terrain situé sur l’île Teja, en face du centre de Valdivia nous facilitera l’avitaillement.
Alex, 57 ans, est un personnage atypique de Valdivia. Il a créé son terrain à partir de rien en regagnant sur les terres inondées du tsunami de 1960 grâce à une licence d’exploitant d’oxyde de fer, profession bénéficiant d’une législation permissive. Son projet de marina n’a pas totalement abouti, les pontons flottants sont disponibles mais vides de bateau. Il vit maintenant, sous une grande pyramide, dans des containers enfouis sous terre offrant tout le confort moderne. Une batterie de panneaux photovoltaïques asservis à la course du soleil fournissent l’électricité et des panneaux solaires fournissant l’eau chaude. Un container est dédié à une étuve d’élevage de champignons garantissant une nourriture sur le long terme. Bref, un projet mystico-survivaliste. De toute part, nous rencontrons des gens qui, tout comme nous, cherchent leurs propres réponses à la déliquescence, la décadence et pour finir le mur vers lequel se dirige à grande vitesse le monde dit « moderne ».
Une semaine s’écoule et nous quittons ces lieux exhumé des eaux, le chenal est remontée à la voile au louvoyage, d’abord contre un léger courant résiduel puis à faveur. Au large une voile est visible, un voilier sort du chenal à son tour et nous rattrape au moteur, le créneau météo est bon et nous sommes plusieurs à en profiter. C’est parti pour la première étape de la transpacifique jusqu’à l’archipel Juan Fernández (Chili).
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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales en Patagonie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Publié le 28/03/2016 d’Hanga Roa, île de Pâques, Chili, GPS 27 8.59 S 109 26.22 W
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