Charte du voyage
Jacaré, Brésil, le 28 octobre 2023
Le voyage en résumé
Le 28 mars 2023, L’Envol bouclait la boucle autour du monde. Un périple d’Est en Ouest dans les alizés avec trois digressions dans le grand Sud : le contournement du continent Sud-américain avec la remontée des canaux de Patagonie, la visite des Marlborough Sounds en Nouvelle-Zélande et une circumnavigation de l’Australie.
- un parcours réalisé par L’Envol, un voilier de 7,70 m (25 pieds)
- à bord, Christophe Mora et Carina Juhhova, un français et une estonienne
- 10 ans de voyage sur l’eau
- 50’000 milles nautiques parcourus
- +10’000 heures de navigation
- +600 mouillages
- 96% de la distance faite à la voile
Pourquoi une charte ?
A terre, l’Homme ne fait plus l’objet d’aucune prédation si ce n’est de lui-même. En mer, nous sommes exposés aux éléments naturels que sont la houle, les vagues et le vent. Pour autant, vouloir s’en préserver complètement n’aurait pas de sens, car le véritable but du voyage dans la nature, c’est de nous permettre d’y retrouver notre juste place.
Prenant à contre-pied le système capitaliste qui prétend que tout est possible sans considération éthique, nous avons fait le choix délibéré de fixer des limites à notre manière de vivre.
Un tour du monde en voilier, oui mais :
1. sans avion, ce qui signifie
pas de retour en Europe depuis que L’Envol a largué ses amarres le 28 octobre 2013
2. sans achat ou location de voiture, ce qui signifie
une pratique assidue du stop, des transports en commun et de la marche à pied
3. sans connexion aux réseaux électriques terrestres, ce qui signifie
produire sa propre énergie grâce à un panneau solaire et un hydrogénérateur
sans recours au charbon, au pétrole, au nucléaire
4. sans équipements énergivores à bord, ce qui signifie
sans climatisation, congélateur, frigo ou chauffe-eau
5. sans gaspillage de la ressource en eau potable, ce qui signifie
3 litres d’eau potable par personne et par jour + 1 litre pour la douche
6. sans séjours en marina injustifiés, ce qui signifie
être au mouillage forain, éviter sur son ancre partout où c’est possible
7. sans chercher à emmener tout le confort de sa maison avec soi, ce qui signifie
le choix d’un petit bateau, d’un équipement minimaliste et d’une vie sobre
8. sans moteur inboard mais avec un hors-bord – en 10 ans, 1’200 litres d’essence ont été consommés (dont la moitié dans les canaux de Patagonie), ce qui signifie
pas d’abus des produits pétroliers avec l’équivalent de deux pleins automobile chaque année
9. sans moteur d’annexe ni guindeau électrique, ce qui signifie
ramer pour débarquer en tenant compte de la météo et/ou des courants,
remonter son ancre à la main, s’il le faut épaulé par la grand-voile
Et afin de magnifier la responsabilité de ses choix et de leurs conséquences :
10. sans assurances ni balise de détresse EPIRB, ce qui signifie
prévenir les problèmes potentiels en minimisant les risques et quand, une fois, le pire est arrivé, nous avons trouvé une autre façon de faire
Le respect de cette charte en 10 points nous a permis :
- de profiter de la vie avant la retraite sans devenir (trop) esclave des aspects matériel et financier du voyage
- de développer une méthode de navigation, de recueil d’informations, d’organisation et de prise de décisions qui laisse peu au hasard
- d’être respectueux de la vie des populations locales – au lieu de souligner les inégalités du monde et de créer un sentiment de désir et d’envie, nous avons plutôt été traités comme une curiosité où le gain n’était pas l’argent mais la découverte mutuelle de nos différentes cultures
- d’avoir un impact négligeable sur notre planète avec une empreinte carbone infinitésimale
- d’être en cohérence avec nous-mêmes sans céder au mythe d’une croissance infinie sur une planète finie
Quel bilan ?
Ces limitations ne nous ont pas empêché de naviguer autour du globe une décennie mais, il faut bien le reconnaître, au prix d’un stress considérable.
Il y a comme un paradoxe insurmontable : d’un côté le respect de cette éthique a motivé et sublimé ce projet de voyage, de l’autre il a été son venin par la lente et insidieuse érosion de mes ressources psychiques.
Le désir pour ce style de vie est quant à lui resté intact, alors sera-t-il possible de poursuivre sur l’eau ou pas, telle est la question.
A suivre…
Cette charte se cantonne aux « sans », mais rien ne serait possible sans les « avec » : Un court inventaire s’intéresse à ces derniers, une page qui parle de nos choix techniques.
Pour en savoir plus :