Great Australian Bight
Stats Australie :
Position : Port Lincoln, golfe Spencer
Arrivée : 5/12/2019
Distance parcourue : 6’096 Mn
Temps passé : 173 jours
Moteur : 128 Mn
Mouillages : 100
Visa restant : 193 jours
Les horaires sont en heure locale du Western Australia (UTC+8) puis du South Australia (UTC+9:30), formatés sur 24 heures
Cap Leeuwin et côte Sud introduit cet article.
Rappel
Traverser d’Ouest en Est la Great Australian Bight nécessite généralement de faire le voyage avec un flux dépressionnaire et donc de subir tous les désagréments d’un front froid : grains, vents et houle prononcés ! Nous sommes aux prémisses de l’été, les anticyclones vont progressivement occuper la place, repoussant au Sud les basses pressions, installant sur la zone un flux de vent d’Est, donc contraire à notre progression. Chance inespérée, un anticyclone à déplacement lent au SW du cap Leeuwin nous promet sur son flanc Est un flux de Sud pour plusieurs jours ! Dans la deuxième moitié du parcours, il faudra néanmoins composer avec 30 nœuds de vent et 4 mètres de vague. C’est parti pour une navigation de plus de 640 milles au large dans les trentièmes, la côte n’offrant aucun abri.
Journal de bord
Jour 1
> Vendredi 29 novembre 2019
> 24h de navigation
> 138 Mn sur la route directe
> 5,7 Nds de vitesse moyenne
> Pas de moteur
Nous sommes de retour du Flinders Peak en milieu de matinée, on lève l’ancre à 10:25. Cap à l’Est avec une légère composante Sud. Le flux refusant au SSE, nous sommes au bon plein tribord amure avec 2 ris dans la GV.
La nuit le vent forcit, le génois d’abord partiellement enroulé cède la place à la trinquette.
Au lever du jour, le génois reprend du service puis les ris sont lâchés. Dans la matinée, la rotation du vent au Sud a enfin lieu nous permettant d’abattre légèrement à 70 degrés du vent, un ris est repris dans la GV.
L’objectif de ce premier jour est de tenir notre cap et même si possible de gagner légèrement dans le Sud en prévision des vents forts à venir. Nous y parvenons modestement, nous écartant de 11 milles de la route directe.
Carte Navionics et image satellite ESRI (ArcGIS) en zoom 14 dans le logiciel SASPlanet
Evénement marquant, à 23 milles du départ, une large zone de rochers affleurant sur laquelle la houle casse férocement s’interpose sur notre route, étrangement les cartes CM93 sont muettes à ce sujet ! Nous sommes pourtant sortis de la zone non cartographiée (en gris dans OpenCPN). Les cartes Navionics, bien que décalées, nous préviennent à l’avance du danger et nous contournons l’obstacle en conséquence. A ce moment, nous n’avons pas d’images satellites pour corroborer la carte.
Jour 2
> Samedi 30 novembre 2019
> 24h de navigation
> 156 Mn sur la route directe (meilleur 24h)
> 6,5 Nds de vitesse moyenne
> Pas de moteur
La rotation du vent (SSW) se poursuit nous permettant d’abattre à 80 degrés du vent (tribord amure). En fin d’après-midi, nous sommes au travers (SW). Le vent forcit en fin de soirée, un deuxième ris est pris dans la GV puis le génois est partiellement enroulé pour la nuit.
Au lever du jour, le vent atteint son apogée avec des pointes à plus de 30 nœuds, nous abattons jusqu’au largue pour absorber les surventes et les vagues qui enflent en conséquence. Le pilote a un temps de retard sur les plus puissantes qui nous poussent au lof, la trace est en escalier.
A la fin de ce deuxième jour, nous commençons à grignoter sur les 35 milles qui ont été gagnés au Sud de la route directe.
Nous quittons l’état du Western Australia pour celui du South Australia, l’heure locale passe en UTC+9:30, majorée de l’heure d’été, mais nous ne répercuterons le changement qu’au prochain mouillage afin de ne pas perturber l’enregistrement de la trace dans OpenCPN.
Jour 3
> Dimanche 1er décembre 2019
> 24h de navigation
> 149 Mn sur la route directe
> 6,2 Nds de vitesse moyenne
> 20 mètres au moteur
C’est durant cette journée du dimanche que passe le plus gros du flux (32 nœuds max), la navigation est inconfortable. Le pilote tente de maintenir un sillage droit mais nous dérapons régulièrement sur le passage des plus grosses vagues (4 mètres).
A minuit passé, un rappel de vague prononcé et la GV empanne, nous sommes pourtant à 120 degrés du vent ! La retenue de bôme, un bout passant par la plage avant et revenant au piano amortit le choc au détriment du haubanage mis sous contrainte. Je libère le bloqueur et la GV finit sa course sans dégât. Nous poursuivons sous GV seule (2 ris) sans génois.
Le Grib montre que nous ne pouvions pas partir plus tôt car devant nous la squash zone de l’anticyclone, un 7 Beaufort avec 40 Nds dans les rafales, génère 5 mètres de houle.
Au lever du jour, le vent descend d’un cran, le génois est déroulé d’un tiers et nous lofons jusqu’au travers visant le Sud de la péninsule Eyre. A la fin de ce troisième jour, il reste encore 200 milles à couvrir.
Jour 4
> Lundi 2 décembre 2019
> 24h de navigation
> 140 Mn sur la route directe
> 5,8 Nds de vitesse moyenne
> Pas de moteur
Cap plein Est au travers (tribord amure). Le génois est entièrement déroulé, la GV conserve ses 2 ris. La mer est belle et le ciel dégagé. Nous sommes en route directe. Le vent adonne progressivement jusqu’au largue durant la journée et les vagues se tassent.
La nuit nous donne un bon repos. Le matin le vent hésite dans sa rotation à l’Ouest, au grand largue le génois faseille par intermittence masqué par la GV. Nous passons finalement en ciseaux à 150 degrés du vent.
Le centre de l’anticyclone est sur nos talons, il est temps d’arriver.
Jour 5
> Mardi 3 décembre 2019
> 12 heures 50 de navigation
> 65 Mn sur la route directe
> 5,1 Nds de vitesse moyenne
> 0,2 Mn au moteur
Toujours en ciseaux, plein vent arrière. Le vent baisse nous laissant encore 10-15 nœuds pour finir cette traversée.
Mer chaotique au Sud de la péninsule Jussieu. Nous laissons Williams Island à tribord puis dans le contournement sur bâbord de West Point et du cap Catastrophe nous rentrons de plein pied dans le golfe Spencer. 23:10, atterrissage de nuit dans les eaux plates de Memory Cove.
Résumé météo de notre Bight
Un bon créneau où le bateau s’est bien comporté avalant 650 milles à près de 6 nœuds de moyenne. Avec le cap NW, Leeuwin et la Bight derrière nous, le plus délicat est fait ! Cela nous semble quelque peu irréel tant les créneaux navigables pour notre 25 pieds se sont enchaînés de manière organique. Au plus long, nous avons du « patienter » une semaine à Geraldton !
Jour 6
> Mercredi 4 décembre 2019
> 24 heures au mouillage
On change le fuseau horaire du bateau en passant de UTC+8 à UTC+9:30, avec l’heure d’été l’horloge avance au total de 2 heures 30.
Nous nous dégourdissons les jambes avec délectation jusqu’au cap sans nom à l’Est du mouillage. La tête encore dans la Bight, on savoure notre réussite car tout c’est bien passé, sans casse à déplorer.
Sur les hauteurs du cap, perchée dans un arbre avec le cellulaire à bout de bras, Carina parvient à accrocher fugacement du réseau Telstra ; en contrebas, avec l’ordinateur connectée au wifi du téléphone, j’ai juste le temps de télécharger un nouveau fichier Grib. Ça tombe bien car la prolongation de notre prepaid Iridium est arrivée à échéance hier durant le cinquième jour de navigation.
Jour 7
> Jeudi 5 décembre 2019
> 4 heures 30 de navigation
> 23 Mn sur la route directe
> 5,1 Nds de vitesse moyenne
> Pas de moteur
Départ à 15:40, cap au Nord. Nous partons tard pour bénéficier d’une brève reprise du vent en fin de journée et de sa bascule prévue à l’Est en soirée, rotation qui nous arrange bien en prévision du contournement du cap Donington. Nous prévoyons d’arriver à Port Lincoln avant la nuit.
Début dans la brise sous GV seule (2 ris) puis les voiles en ciseaux bâbord amure. Nous laissons la pastorale Taylor Island à tribord : dans un décor irradié de soleil, sur des collines aux herbes brulées, des vaches en ordre dispersé paissent paisiblement.
Peu après, le vent retombe sensiblement, les ris dans la GV sont lâchés. En longeant la côte le flux fait de même, on tutoie le vent arrière et la fausse panne. Avec la mer plate, le pilote travaille dans sa zone de confort, il barre avec précision dans un sillage tendu, pas de risque d’empannage sauvage.
18:40. Contournant le cap Donington, il nous reste 7 milles à l’Ouest pour toucher Port Lincoln. Dommage le vent provient de la Proper Bay, 11 miles de fetch à notre SW. Sous GV arrisée (1 ris), nous louvoyons entre les élevages de poissons et Boston Island à tribord. Doublant Point Fanny son extension SW, nous retrouvons la route directe au bon plein. Le jour décline déjà, il nous reste tout au plus 20 à 30 minutes avant la nuit.
Premières impressions de Port Lincoln, sa jetée et ses silos
La dernière ligne droite en eaux plates est avalée à plus de 6 nœuds. Nous longeons la ville de Port Lincoln puis dans les dernières lueurs du jour, nous plongeons derrière la jetée des paquebots prendre notre mouillage au fond de la Boston Bay juste devant Town Beach, il est 20:10 !
Bizarrement, il n’y a personne dans ce mouillage pourtant classique et bien protégé (sauf des vents de Nord).
Jour 8-9
> Vendredi 6 et samedi 7 décembre 2019
> 1 heure 20 de navigation
> 4 Mn
> 0,2 Mn au moteur
L’annexe cherche sa place sur la plage, pourquoi pas sous le porche du Yacht Club comme à Geraldton ? Entremetteuse, elle nous permet de faire la connaissance de Jonathan, le bâtiment est fermé mais il nous laisse la clé pour l’accès aux douches et à l’eau. Les corvées expédiées, courses, linge et internet à la bibliothèque, nous repassons le soir au Yacht Club sur son invitation. Nous faisons la connaissance de Wendy, sa femme et de quelques autres membres. Ici aussi, il y a une petite communauté tournée vers la mer et la plaisance. Alors que je m’inquiète du prochain coup de vent de Nord et de savoir où bouger le bateau, Jonathan nous propose de venir s’amarrer sur son ponton à Lincoln Cove Marina.
Le lendemain, on fait les quelques milles qui nous séparent de la marina le cœur léger, soulagés d’être bientôt libérés du stress du bateau et de la navigation, on va pouvoir profiter pleinement de cette escale. Nous trouvons l’endroit sans difficulté, Wendy nous fait signe de prendre le ponton sur l’arrière de Sextant, leur X-Yachts de 34 pieds. C’est le ponton du voisin, providentiellement absent. Ainsi amarrés nous sommes sur leur pas de porte, ouvert sur les commodités terrestres, douches chaudes et toilettes en faïence. On a même internet à bord grâce à leur box-modem portative !
En mars, Pierre, un suisse de 72 ans, a passé 2 semaines sur leur ponton pour réparer son moteur et remettre un peu d’ordre dans son bateau, Lady Lay, un 42 pieds. Engagé dans une navigation sans escale depuis l’Afrique du Sud à destination de la Tasmanie, il subit des avaries graves dans sa traversée de la Bight. Durant un knockdown (le mât dans l’eau), il perd sa bôme, ses panneaux solaires, l’usage de son électronique et du moteur ! Livré aux courants, fatigué, il dérive. Son fils resté sans nouvelle déclenche les secours. Il est sauvé par un bateau qui le remorque jusqu’à Port Lincoln où Wendy et Jonathan l’adoptent. Moteur de nouveau fonctionnel, il se rend à Adelaide où son bateau sera en chantier pour de nombreux mois. C’est seulement mi-décembre qu’il reprendra le fil de son voyage.
Justement, au chapitre de la maintenance, nous profitons du ship local pour remplacer la drisse de trinquette avant qu’elle ne se rompe dans un moment mal choisi. Celle de GV, sans pourtant présenter les mêmes symptômes, avait cédé de nuit au Nord de la Nouvelle-Zélande dans la houle du cap Reinga, il m’avait fallu grimper deux fois dans les hauteurs, le bateau en route sous génois, pour parvenir à gréer la drisse de spi dans le réa de la grand-voile !
A bord de Sextant pour la régate hebdomadaire du Yacht Club
Après la régate, on fait la connaissance de Rod, un ami du couple, marin d’expérience qui connaît la Tasmanie comme sa poche, il nous donne ses contacts sur place et pleins d’infos utiles. On se sent bien dans cette communauté de voileux si prévenante et chaleureuse, nous sommes même invités à rester jusqu’à la prochaine régate ! Mais le trublion habituel, jaloux de ne plus être le centre d’attention, nous rappelle à son bon souvenir. Dans une petite semaine la météo nous offre une fenêtre de vents maniables assez longue pour rallier directement Portland, 370 milles au SE. Pour la saisir, nous devons au préalable nous extirper du golfe Spencer et de ses vents spécifiques. C’est pourquoi, demain, nous larguons les amarres de Lincoln Cove Marina à destination de Thistle Island…
A suivre…
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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales en Australie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Publié le 11/02/2020 depuis le mouillage de Risby Cove, village de Strahan, Macquarie Harbour, île de Tasmanie, Tasmania, Australie, GPS 42 9.26 S 145 19.91 E
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