L’Indien en 23 météofax
Bateau fantôme introduit cet article.
Jour 1-3
Evasion sous gennaker
Départ de l’île Bali le 3 septembre 2022 à 18:00 heure locale (UTC+8). Malgré les fuseaux horaires successifs que nous allons traverser, nous resterons en UTC+8 durant toute la traversée afin de ne pas perturber l’enregistrement de la trace GPS du bateau dans OpenCPN, notre logiciel de navigation.
Nous sommes soulagés de quitter l’Indonésie. Le stress que nous aura infligé son inhospitalière administration disparaît peu à peu dans le sillage à mesure que nous nous rapprochons des eaux internationales.
Les trois premiers jours de navigation sont tranquilles : vent faible, mer plate et soleil intense sont de la partie. Génois et gennaker en vis-à-vis, bien ouverts sur leurs espars respectifs, traquent dans leur filet un petit alizé propulsant discrètement L’Envol à l’Ouest.
Entassés là par la main invisible des courants, nous croisons successivement la route de deux rails de débris plastiques s’étirant à perte de vue d’un horizon à l’autre. Encore une fois, nous voilà frontalement confrontés à notre société de consommation et de gaspillage. Un sentiment de dépit vient ternir la joie que nous avons à naviguer dans le grand bleu de l’océan Indien.
Il n’y a pas que les mauvais traitements que notre planète subit qui nous travaillent mais aussi la paranoïa développée par notre (non-)séjour en Indonésie.
Un soir, alors que je sonde du regard notre univers visible – un Lilliput circonscrit à une dizaine de kilomètres autour du bateau du fait de la rotondité de la terre, une masse noire dans la distance me rappelle la tourelle d’un sous-marin en surface.
Le jour d’après, dans une apparition venue de nulle part, je constate la présence d’un bateau à moteur cinquante mètres sur notre tribord. Quatre personnes dans le cockpit m’ignorent totalement. L’Envol sera ainsi escorté un long moment avant que nos routes commencent lentement à diverger.
Etions-nous surveillés après notre « évasion » de Bali ? Nous ne le saurons jamais mais ce qui est sûr c’est que l’Indonésie nous aura poursuivi dans nos têtes pendant plusieurs jours avant de nous laisser enfin en paix !
Cliquer sur la carte pour ouvrir notre Google Maps sur l’océan Indien.
Jour 1 : 94 Mn à 3,9 Nds
Jour 2 : 103 Mn à 4,3 Nds
Jour 3 : 143 Mn à 5,95 Nds
Après les mers plates qui caractérisent la navigation sous le vent des îles de la Sonde nous sommes de retour dans la houle, mais grâce à la progressive montée en puissance des conditions notre amarinage passera totalement inaperçu.
Jour 4
Eau courante à bord !
Le vent fraîchit, retour aux voiles blanches, GV et génois, dans une mer clémente. Le matin du 7 septembre, il pleut suffisamment pour collecter trois litres d’eau grâce à un seau fixé au vit-de-mulet. La GV sert de collecteur tandis que le pli de toile vacante du premier ris fait office de gouttière. Le soir, c’est la mousson, nous complétons les réserves du bord et Carina peut même se laver les cheveux, c’est le luxe ! Il n’y a plus de trafic de pêche, nous sommes enfin seuls sur l’eau.
Ce jour 4, nous avalons près de 160 milles nautiques en 24 heures à la vitesse moyenne de 6,64 nœuds, notre meilleure performance sur cette traversée. L’état de la mer y a été pour beaucoup.
Jour 5
En progression rapide
Nous doublons Christmas Island (Australie) située 100 milles nautiques dans notre Nord. Un seau d’eau supplémentaire est collecté dans la nuit. Nous couvrons 154 milles nautiques en 24 heures à 6,4 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 6
Pétole
Le vent tombe mais la mer reste. Les voiles claquent. Beaucoup de manœuvres durant la nuit. Au matin, le gennaker prend l’ascendant jusqu’en fin d’après-midi. Ces dernières 24 heures, lentes et laborieuses, n’ont permis de couvrir que 114 milles nautiques à 4,75 nœuds de vitesse moyenne.
Nous recevons nos premières cartes météofax grâce à l’émetteur de Wiluna (VMW) sur la côte Ouest d’Australie.
Quiz météofax : pouvez-vous identifier l’Australie (à droite de la photo) et l’Afrique du Sud avec Madagascar (à gauche) ? Entre les deux, dans les quarantièmes, une dépression à 991 hPa est marquée avec un « L » signifiant Low. Le front froid qu’elle génère, représenté par une courbe avec des triangles, affecte les 30 degrés de latitude Sud. Bien que tout cela se passe loin dans notre Sud, la mer qu’elle va soulever en tempête, se traduira pour nous par un fort train de houle résiduelle.
Pour rappel, les vents dans l’hémisphère Sud, en longeant les isobares des hautes vers les basses pressions, tournent dans le sens horaire autour du centre des dépressions et dans le sens antihoraire autour du centre des anticyclones. Les anticyclones, dans les trentièmes, suivent une trajectoire d’Ouest en Est, contenant au Sud et/ou repoussant au Sud-Est les dépressions australes.
Note : Les repères géographiques (ronds jaunes) et la position de L’Envol (rond rouge) ont été ajoutés aux météofax à posteriori.
Jour 7
L’âge du capitaine
Le météofax montre la queue du front froid qui se rapproche, elle atteint maintenant les 25 degrés de latitude Sud.
C’est le 10 septembre, nous fêtons mon anniversaire en mer, j’ai 49 ans. Une boîte de chocolats assortis, précautionneusement mise hors de portée par Carina, est exhumée des fonds du bateau. Reprise du vent, les voiles blanches nous emmènent. Nous couvrons 154 milles nautiques en 24 heures à 6,4 nœuds de vitesse moyenne, mêmes statistiques que le jour 5.
Jour 8
Re-pétole
Juste avant de croiser notre longitude, la dépression se creuse à 987 hPa et l’extrémité du front froid effleure maintenant les 20 degrés de latitude Sud, 400 milles nautiques dans notre Sud.
De nouveau les conditions s’effondrent. Au matin du 11 septembre, moins de 10 nœuds de composante Est nous fond retourner jusqu’au soir sous gennaker. Nous couvrons à peine 111 milles nautiques en 24 heures à 4,6 nœuds de vitesse moyenne. Il semble que nous soyons dans une zone de transition partagée entre la brise d’Est indonésienne évanescente et le début des vents dominants de Sud-Est qui caractérisent l’océan Indien.
Jour 9
Le calme avant la tempête
Nous doublons les îles Cocos Keeling (Australie) situées 130 milles dans notre Nord. Nous pouvions scinder cette longue navigation en y faisant escale, d’autant plus que notre visa australien était toujours valide mais nous ressentions la nécessité de nous sevrer du corpus humain en renouant avec les seules et uniques lois de la nature. De plus, en passant au Sud des îles Cocos Keeling, on s’éloigne du trajet des dépressions tropicales courtes mais virulentes qui affectent ces lieux.
Notre dépression australe, repoussée par un anticyclone à 1029 hPa – marqué avec un « H » signifiant High, passe derrière nous en perdant en intensité. Le Cap Leeuwin, à l’extrémité Sud-Ouest de l’Australie, est maintenant concerné.
Très bientôt, notre route va surfer les flancs Nord des anticyclones qui passent d’Ouest en Est dans notre Sud. Dans cette zone constamment balayée par des vents de Sud-Est, le bateau est appuyé bâbord amure du travers au grand largue, le flux d’air adonnant au fur et à mesure du passage du centre de la haute pression. Plus cette dernière est haute, plus le croisement sera musclé. Faire du Sud dès le début n’est donc pas une mauvaise idée afin de se ménager une laisse de chien qui permettra d’abattre si les conditions de vent et de mer devenaient trop limites.
Dans ce premier round jusqu’à l’île Rodrigues dans les îles Mascareignes, le challenge sera de supporter trois semaines de voyage dont deux dans des vents soutenus avec les dangers et l’inconfort d’une mer croisée. La mer du vent sur notre 3/4 arrière poussera le bateau au surf tandis que la houle de Sud par le travers le fera rouler, une situation qui encourage les départs au lof. Si on veut que le pilote automatique fasse le job de barre à notre place, il va falloir l’en prémunir car notre système Raymarine n’est pas assez performant pour voir venir le danger et réagir à temps, c’est-à-dire avant que les safrans ne décrochent. Bref, un passage qui s’annonce humide et exigeant !
La nuit du 12 septembre sera celle de la dernière parade pour notre gennaker. Le matin nous l’enroulons et poursuivons avec un ris dans la GV. Nous couvrons 126 milles nautiques en 24 heures à 5,25 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 10
Dans le vif
La dépression que nous suivons, actuellement à 998 hPa, va affecter dans les prochains jours la Great Australian Bight avec des vents de Sud-Ouest tempétueux.
Dans la nuit du 12 au 13 septembre, le vent monte en rafales, la mer enfle et une première vague pénètre dans le bateau par la descente. Nous prenons un deuxième ris. Sur la carte météofax, on peut voir les isobares qui se resserrent devant nous. Nous rentrons officiellement dans la « squash zone » de l’anticyclone. Le baromètre indique 1015 hPa, tandis que son centre – plus de mille nautiques dans notre Sud, est donné à 1031 hPa.
A contre-cœur, nous nous barricadons. La porte en bois est installée, obturant la descente et réduisant la ventilation du bateau à un hublot de vingt centimètres de diamètre. Pour contrer les départs au lof, la valeur du paramètre « Auto Trim » du pilote automatique est portée à 4, sa valeur maximale. Ce réglage donne la prééminence au gyroscope sur le contrôle du pilote afin que la barre soit énergiquement poussée au vent quand le bateau se couche. L’Envol accélère, nous fendons les flots entre 6 et 7 nœuds et 147 milles nautiques sont laissés dans le sillage.
Jour 11
Fragiles et vulnérables
L’anticyclone se renforce à 1034 hPa et les isobares se resserrent encore. En 24 heures, il a parcouru d’Ouest en Est 400 milles nautiques dans les trentièmes, se déplaçant à notre rencontre à plus de 15 nœuds !
Dans la nuit du 13 au 14 septembre, des conditions de vent et de mer fortes vont s’installer et perdurer pendant une longue semaine. Les grains vont se succéder, spécialement la nuit que le hasard du calendrier a voulu sans lune, d’un noir d’encre.
Ma zone de vie se réduit au bas de la descente ou je dors recroquevillé sur une pièce de mousse et pour Carina à bâbord dans la bannette au vent. Réduits à de simple ballast, nous nous en remettons entièrement au bateau et au matériel. La réputation de cet océan n’est décidément pas usurpée ! Nous couvrons 144 milles nautiques en 24 heures à 6 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 12
Les moyens de la lutte
Force 7 Beaufort au grand largue. D’une tectonique jusqu’ici gentiment vallonnée, la mer déplace maintenant des montagnes liquides, leurs crêtes escarpées cèdent en avalanches d’écume et d’embruns vaporisés.
Il m’aura fallu 24 heures pour enfin admettre qu’avec la GV à deux ris et le génois pourtant enroulé, L’Envol est encore surtoilé. En ce début de nuit, l’état de la mer, la confusion due aux vagues croisées et 35 nœuds de vent dans les grains mettent trop souvent le pilote automatique en erreur suite à de puissants départs au lof.
En Nouvelle-Calédonie, lors de la confection de notre nouvelle GV, nous avions choisi de modifier la hauteur du troisième ris afin de réduire drastiquement sa surface. Le moment est venu de valider ce choix. Je me résous donc à sortir prendre le dernier ris et la situation s’améliore du tout au tout. Malgré le peu de toile qui reste, L’Envol ralenti à peine et le pilote retrouve une plage de fonctionnement saine.
Il faudra attendre le lever du jour pour que le vent retombe à 25 nœuds et que nous puissions profiter d’un peu de répit et de soleil. Le 15 septembre à midi, avec 1’550 milles nautiques engrangés, la moitié du chemin est dans le sillage.
Depuis que le Sud-Est s’est installé et malgré la difficulté, L’Envol confirme sa constance en réalisant ce jour 12 les mêmes statistiques sur 24 heures que la journée précédente.
Jour 13
Répit alpin
Le 16 septembre, nous franchissons la Ninety East Ridge, une chaîne de montagnes sous-marines d’une centaine de miles de large. Les fonds en remontant brutalement de 5000 à 2000 mètres sont réputés générer des courants désordonnés et une mer hachée.
Par chance, ce jour là nous sommes dans un entre-deux, notre premier anticyclone cède la place au suivant et nous bénéficions de conditions plus clémentes avec 20-25 nœuds de vent refusant sur l’arrière du travers, le troisième ris a déjà été lâché, le génois est déroulé. Le passage de la chaîne se passe sans encombre à plus de 6 nœuds de vitesse moyenne et 150 milles nautiques en 24 heures viennent s’ajouter au compteur.
Jour 14
A la manœuvre
La dépression que nous suivions précédemment longe actuellement la côte Ouest de Tasmanie.
Nous rencontrons des conditions mitigées. Le soir du 16 septembre nous sommes de retour sous trois ris, puis deux dans la nuit puis de nouveau trois au lever du jour. Le génois accompagne le mouvement, prenant ou abandonnant quelques tours pour coller aux variations d’intensité du vent. Ce dernier adonne progressivement et L’Envol retrouve le grand largue. Ciel couvert. Le 17 septembre à midi, les grains reprennent, le vent grimpe à 25-35 nœuds et une pointe à 37 nœuds est enregistrée. L’Envol réalise les mêmes statistiques sur 24 heures que la journée précédente.
Jour 15
Knock-down
Ce deuxième anticyclone est annoncé à 1037 hPa. On peut aussi voir sur le météofax qu’une basse pression à notre Nord compresse les isobares entre ces deux systèmes créant une « squash zone ». A l’image d’un col en montagne soumis à un effet venturi, on va y rencontrer des vents renforcés. L’anticyclone s’aplatit et l’isobare à 1016 hPa sur lequel se situe L’Envol prend une forme concave.
Grosse mer, nuit noire. Peu avant minuit, une vague plus vicieuse que les autres couche le bateau sans ménagement, le coup de roulis prononcé déloge de leur équipet bâbord une courge et des oignons qui volent à travers le bateau.
Au matin, petite accalmie mais le vent refuse sur l’arrière du travers. Nous couvrons 153 milles nautiques en 24 heures à 6,38 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 16
En mode survie
Une basse pression à 1010 hPa est maintenant visible sur la carte, les isobares entre elle et notre anticyclone se resserrent encore, l’anticyclone est de plus en plus aplati, il va falloir passer dans le goulet !
Dans la nuit du 18 au 19 septembre, le vent se renforce au grand largue. La motion du bateau devient dantesque, 30-35 nœuds sont la norme avec des maximas à 40-42 nœuds dans les grains. Sous 3 ris sans génois, L’Envol est en permanence au surf à 8-9 nœuds et s’emballe régulièrement à 12-14 nœuds. La fascination se dispute à l’angoisse tandis que nous courrons les yeux bandés à travers une forêt de vagues dressées comme des troncs sur notre passage. La mer du vent s’invite dans le cockpit tandis que la houle submerge le pont inopinément. Faisant barrage aux éléments, la porte en bois de la descente se révèle un allié de poids. Ce n’est que la deuxième fois que nous l’utilisons en navigation. La porte textile ayant été, jusqu’ici, suffisamment efficace pour bloquer les embruns tout en apportant une meilleure ventilation du bateau.
Toute la nuit, allongés à poste dans nos bannettes respectives, les corps tendus aux aguets à l’écoute du bateau, nous scrutons les bruits des ténèbres attendant avec ferveur le retour de l’astre lumière. Avec une aisance confondante, l’étrave trouvera sans embûche son chemin dans ce chaos liquide en évitant l’enfournement. Le déplacement dans le cockpit des 70 mètres de chaîne y est certainement pour quelque chose (cf la refonte du mouillage durant notre séjour en Tasmanie).
Revue de détails : tuyau de chaîne dans le passavant bâbord, porte étanche, 3e ris riquiqui et bôme sur amortisseur.
Le lever du soleil arrive enfin et avec lui le vent va se calmer progressivement. Dans l’après-midi il n’en reste plus que 20-25 nœuds. A ce stade nous ne le savons pas encore mais le pire est maintenant derrière nous ! L’Envol réalise les mêmes statistiques sur 24 heures que la journée précédente.
Jour 17
Retour au calme
La basse pression a disparu, l’anticyclone se relâche et se désorganise, l’étau des isobares se desserre sensiblement.
Le 20 septembre en fin de nuit, le génois, prudemment à moitié déroulé, reprend du service tangonné au vent. A la mi-journée, le ciel est toujours couvert mais moins menaçant et plus lumineux, un peu de bleu parvient même à percer. Le vent baisse à 15-20 nœuds et adonne, nous sommes parfois au vent arrière. Le troisième ris est lâché, on espère ne plus avoir à y toucher. Nous couvrons 137 milles nautiques en 24 heures à 5,7 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 18
Reprise des hostilités
L’anticyclone renaît de ses cendres à 1030 hPa. Du fait de notre descente des latitudes, son centre n’est plus qu’à 800 milles nautiques dans notre Sud.
C’est une journée de transition. Des grains menacent encore nos arrières. Nous reprenons par précaution le troisième ris avant la nuit. Le génois sera successivement enroulé, déroulé, tangonné au vent, sous le vent, de nouveau en ciseaux, suivant en cela nos inquiétudes et les variations du vent en force et direction. Quelques grains à 30 nœuds et des vents hésitant entre le grand largue et le vent arrière nous forcent à la manœuvre.
Dans l’après-midi du 21 septembre, nous sortons du mauvais temps à grains. Retour de conditions de brise soutenue avec un ciel dégagé à 50% et des passages de cumulus. Nous touchons 20-25 nœuds ballottés entre 120 et 180 degrés, la mer du vent est encore bien formée, la houle toujours présente par le travers. Nous couvrons 140 milles nautiques en 24 heures à 5,8 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 19
Enfin facile !
L’anticyclone se renforce à 1033 hPa mais son centre se déplace de près de 600 milles nautiques dans les quarantièmes.
Le 22 septembre, les conditions deviennent agréables avec 15-20 nœuds, la mer est belle. Le génois est déroulé à 80% en ciseaux, la GV a 2 ris. Le ciel est couvert avec un peu de soleil, pas de grain. Nous couvrons 155 milles nautiques en 24 heures à 6,45 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 20
A fond !
L’anticyclone est de retour à 1037 hPa. En se déplaçant à l’Est dans notre sillage, il nous offrira dans les prochains jours un lent mais sûr retour au calme !
Seconde meilleure performance sur cette traversée après le jour 4, nous avalons 158 milles nautiques en 24 heures à près de 6,6 nœuds de vitesse moyenne. Nous le devons au retour des bonnes conditions qui permettent enfin au pilote automatique de supporter plus de toile.
Chaque semaine, nous devons transférer l’eau des bidons de 25 litres dans le réservoir principal du bateau. Choisir le bon moment pour le faire est important car le nable ouvert dans le fond du cockpit devient exposé à une entrée d’eau salée !
En matinée ou en fin d’après-midi, l’hydrogénérateur – visible sur la photo à gauche du moteur hors-bord, est mis en service quelques heures jusqu’à atteindre l’état de charge optimal de la batterie. Durant la journée, notre panneau photovoltaïque de 140W fait l’intérim. Avec ce fonctionnement, notre nouvelle batterie Lithium de 100Ah nous permet de passer la nuit sans avoir à sortir ou à se préoccuper de l’énergie du bord.
Jour 21
J-3
Il ne reste plus que 320 milles nautiques jusqu’à l’île Rodrigues. La nuit est calme avec un vent stable et régulier. Le matin du 24 septembre, la météo devient indécise avec une alternance de soleil et de grains qui vont se succéder toute la journée. On touche 30 nœuds dans les rafales mais le vent peut aussi bien redescendre à 15 nœuds. Pas mal de manœuvres de voiles à la clé. Nous couvrons 137 milles nautiques en 24 heures à 5,7 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 22
En mode plaisance
Dans la nuit du 24 au 25 septembre, des grains nous ramènent momentanément sous 3 ris. Le beau temps à cumulus est de retour le lendemain, la mer est belle, les vagues sont à la mesure du bateau. On peut de nouveau déambuler dans le cockpit sans risquer la trempette intégrale. On savoure ces derniers milles avant l’atterrissage ! Nous couvrons 146 milles nautiques en 24 heures à plus de 6 nœuds de vitesse moyenne.
Jour 23
Atterrissage
Après tout ce temps passé en mer, c’est toujours la même joie d’apercevoir sur l’horizon la crête posée en ombre chinoise d’une nouvelle terre promise. Soulevés par une vague plus massive que les autres, l’île Rodrigues est apparue brièvement devant l’étrave, fantomatique et floue, dissimulée sous un chapeau de nuages bas dont émerge la crainte, tandis que le creux de houle nous la dérobe aux regards, que cette vision trop attendue ne fût un rêve.
Ce dernier jour, une quarantaine de milles parcourus viennent achever cette traversée. Nous prenons le mouillage de Mathurin Bay sur la côte Nord de l’île Rodrigues le 25 septembre 2022 à 20:00 heure locale (UTC+4).
La partie Est de l’océan Indien est maintenant derrière nous : 3’108 milles nautiques effectués 100% à la voile en 22 jours et 6 heures à la vitesse moyenne de 5,82 nœuds, quatre fuseaux horaires de franchis. Un nouveau record de distance et de temps passé en mer pour L’Envol et son équipage. Un trip intense que nous sommes soulagés et heureux d’avoir vécu sans casse matériel ni problèmes. A l’arrivée, nous avions même encore du frais à bord grâce à Carina et sa gestion éclairée de la cambuse.
Merci au pilote automatique qui a fait le job sans rechigner et à l’émetteur de Wiluna sur la côte Ouest d’Australie dont les cartes météofax ont rythmé notre progression. Décodées grâce à notre petit récepteur radio HF Sangean (prix 180€) connecté à la carte son de l’ordinateur, nous recevions chaque jour, gratuitement, quatre cartes différentes qui intéressaient notre zone. La réception était bonne, faiblissant progressivement avec notre éloignement.
Sur cette portion d’Indien où les vents de Sud-Est sont si stables que l’on peut presque les qualifier d’alizés, nous avions décidé de nous affranchir des fichiers Grib et de la coûteuse couverture satellite qu’ils nécessitent.
Pour en savoir plus : Vers le pays d’Oz et météofax.
Au cours de cette traversée, au lieu de suivre un cap constant, c’est-à-dire une ligne droite sur l’écran, nous avons modifié le cap du bateau régulièrement afin de coller à la route dite orthodromique. Sur une carte en deux dimensions cette dernière est courbe mais sur un globe en trois dimensions elle représente la route directe, le chemin le plus court. Si proche de l’équateur le raccourci n’est pas grand mais la courbure subtile et homogène de notre trace GPS nous rappellera pour toujours cette traversée de l’océan Indien où notre sillage a tendrement voulu enlacer la rotondité de la Terre !
A suivre…
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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales dans l’océan Indien sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.
Article prêt à publier le 22/10/2023. Ecrit et documenté depuis L’Envol, rio Paraiba, village de Jacaré, proche villes de Cabedelo et de Joao Pessoa, Brésil, GPS 7 2.2 S 34 51.46 W
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